(dimanche 2 octobre 2022)
Ma jolie suédoise s’appelait Gunilla
Ses cheveux étaient d’or et ses grands yeux lilas
Nous vivions en sauvages sur une plage indienne
J’étais son Robinson, elle, ma Bohémienne.
Sa bouche était de miel, sa peau était dorée,
Elle croquait la vie et moi je l’adorais.
Elle est allée nager, nue, dans les déferlantes,
Jeune, belle à croquer, forte et appétissante.
Elle s’est éloignée d’un crawl souple et puissant
Dans les reflets d’argent de l’astre éblouissant.
Un trait noir fendant l’eau s’en arrive du large.
Gunilla ne voit pas le monstre qui la charge.
Un cri dans une gerbe d’écume et de rubis…
Les requins sont cruels dans la mer d’Arabie.
- Voilà, Victor, une bien funeste aventure…
Qui pourtant porte en elle une philosophie :
On est tous prédateur, on est tous nourriture,
Telle est la dure loi qui régule la vie.
- Non, mais, écoutez-le ce Socrate à la manque !
J’y parle d’une meuf bouffée par les requins,
Et lui, il me dégoise une philo de branque…
Que c’est presque normal et tout le saint-frusquin…
Depuis ce jour, petit, j’ai la haine des squales,
Je ne peux les aimer que bien cuits, dans la poêle.
Ce mangeur de bonheur, les pêcheurs l’ont chopé,
Grand capoun de boun dieù, ce fut une épopée !
Mes amis Malabars à gueules de pirates
L’ont pris dans leurs filets sur la côte marathe.
Le bestiau dépassait trois mètres de longueur,
Ses mâchoires claquaient de toute sa fureur,
Des grands coups de bâtons, de couteaux et de masses
Ont enfin eu raison du monstre coriace.
On lui creva les yeux pour mieux l’humilier
Puis, dans son estomac, on trouva un collier :
Un pendentif d’argent serti d’une turquoise,
Celui offert par moi - oui ! - à ma Suédoise…
Les cinq pêcheurs et moi, nous étions sous le choc,
L’alcool, le sang, le « bang » nous rendaient tous amok.
Les clameurs du combat réveillant le village,
Femmes, vieillards, enfants s’en vinrent sur la plage.
Un grand feu lumineux se mit à crépiter
Pour griller le requin, en darnes débité.
C’est une viande ferme, moins rouge que le thon
Qu’on pose sur la braise, à même les brandons.
Quand la chair est saisie, qu’elle grésille et fume,
D’un bâton on la tourne et puis on la parfume
D’une pincée de sel, de carry mêlé d’ail
Tandis que l’on prépare, à côté, le rougail.
De l’océan indien, c’est un produit typique,
C’est frais, c’est parfumé, mais ça brûle et ça pique !
Tu haches deux oignons et tu les fais blondir,
Rajoute trois tomates, coupées ça va sans dire,
Deux, trois piments z’oiseau, attention, c’est sévère,
De l’ail, du sel, du sucre, du jus de citrons verts,
Puis deux cuillers à soupe de bon carry hindou,
Dix minutes, à la poêle, tu fais cuire à feu doux.
On mange chaud ou froid cet accompagnement,
Mais il ne faut vraiment pas craindre le piment !
Sous les rais de Chandra, assis sur la terrasse,
Ensemble nous avons dévoré le vorace.
Comme assiette une simple feuille de bananier,
Comme couverts, nos doigts, comme les boucaniers
En mangeant son mangeur, j’aimais ma Gunilla
Tandis que sous la lune résonnaient les tablas.
À nous, belles conquêtes ! Le vin vous embellit.
Continuons la fête, ouvrez-nous votre lit.
Chantons, rions, mangeons, et trinquons nuit et jour
À la beauté des femmes, au vin et à l’amour !
Ingrédients et proportions pour six personnes:
Pour le poisson: - 3 tranches de requin de taille convenable, - de la braise, - sel, - 1 cuiller à soupe de carry en poudre, 3 gousses d'ail.
Pour le Rougail : - 6 oignons, - 6 grosses tomates, - 9 à 10 petits "piments z'oiseaux" (selon la force que l'on veut obtenir), - 6 cuillerées à soupe de carry, - 6 gousses d'ail, - 3 cuillers à dessert de sel de Camargue, - 1 cuillerée à soupe de sucre en poudre, - le jus de 3 citrons (verts si possible).