llustration: merci au regretté Chimulus
– Oh ! Victor, t’as entendu tout ce ramdam : les nanas, elles roumèguent grave ! Tè, en Inde, une femme de 36 ans a surpris son compagnon en flagrant délit. Malheureusement, il ne s’agissait pas d’un adultère… En réalité, son mec était en train de tenter de violer sa jeune fille de 14 ans. Ni une, ni deux, elle s’est alors saisie d’un couteau… pour lui couper la bite !
– Fatche ! C’est des rugueuses les Indiennes !
– C’est le moins qu’on puisse dire. Mais il faut dire que là-bas, les mecs sont pires qu’ici. Il leur arrive de foutre carrément le feu à leur meuf… Chez nous, il y a un « féminicide » tous les deux jours, alors…
Elles en ont raz – non pas les aliboffis – mais les ovaires d’être les proies de ces kons d’hommes, de se faire palucher le joufflu par des gougnafiers, de se faire traiter de sales pouffes si elles ne répondent pas aux avances reloues du genre « Eh ! Mad’moisel’, t’es bonn’. Donn’ ton zéro six, j’te ferais grimper aux rideaux. J’ai un démonte-pneu de camionneur ! »
– Ouais Loulle. Effectivement, pour séduire une belle, ça manque un peu de finesse. Mais ça existe malheureusement. Pourtant soyons sérieux, ce n’est pas sur ce mode lourdaud, macho, bref stupide que s’organisent en général les parades de séduction entre hommes et femmes. Dans cette éternelle guerre sensuelle, depuis toujours l’homme est perdant. Mais voluptueusement perdant. Perdant parce que ce sont les femmes qui ont L’Origine du monde et que c’est nous qui voulons L’Origine du monde comme disait Tatave Courbet ! Donc, ce sont Elles qui décident, Elles qui séduisent et nous qui devrions toujours remercier le ciel pour ceux qui y croient, le Cosmos pour les autres, lorsqu’une femme nous ouvre ce qu’elle a de plus précieux, de plus intime : sa source du bonheur, sa vallée des roses, son entrée du paradis..
-… teng Victor, t’en parle bien. T’as les yeux qui brillent comme un gosse auquel on vient de donner un beau jouet.
– C’est vrai Loulle. Une femme ouverte et offerte, c’est le plus beau cadeau du monde. Je dis bien offerte, pas prise de force. Être prise de force, servir de trou à bite pour des fumiers pires que des animaux, c’est une violence dont on doit avoir beaucoup de mal à se relever. Je peux t’en parler en connaissance de cause Loulle, parce que ça m’est arrivé.
– Oh ! Oh ! Raconte Victor ! Raconte !
– Non mais regardez-les s’approcher tous ces vicelards. Le grivois, ça les émoustille !
– Allez Victor, n’ai pas de pudeurs de gazelle. Raconte.
– Eh bien voilà. Quand je glandais dans une école de journalisme à Paris, j’avais une chérie qui s’appelait Josiane et qui était à la même école de plumitifs que moi. Elle arrivait de Caen, moi j’arrivais de Cannes. Ce quiproquo nous a rapprochés. Très près…
– Bon et alors ?
– Attendez, bande de chiapacans. Tè, Loulle met ta tournée pour me lubrifier le clapoir et vous ouvrir les esgourdes.
– Ah ! Tè, ça fait du bien. Il est bon ton Tavel.
– Bon, alors, Josiane ?
– Elle n’était pas très grande Josiane, un superbe bonsaï. Des yeux d’azur, des cheveux de geai, des rondeurs partout où il en faut et des idées mutines. Et même un peu plus ! Donc au prétexte d’un cours qu’elle avait manqué, je suis monté chez elle : une petite chambre de bonne, quartier de la Convention. Pour gravir les cinq étages, j’avais des ailes aux pieds ! Josiane m’attendait, une Noire avec elle, la superbe Fatou. J’ai saisi dans quel piège je m’étais fourvoyé quand ces deux nymphomanes se sont déshabillées !
– Oh ! Fatche. Raconte Victor.
– Eh ! Bert, ferme-là, tu vas lui couper la maïsse !
– Ouais. Il a raison, si vous me coupez tout le temps, je me tais ! Donc je vous disais… Attends, je bois un coup. Ah ! Voilà. La mémoire me revient. Donc, prestement, goulûment, ces houris me jettent sur moi, me foutent à poils et m’offrent leur bouche en guise de prélude. Une Noire, une Blanche… De la musique d’amour sur mon corps excité. Elles jouent avec moi une toccata de désir, de plaisir. Caressé, embrassé et violé sans ambages, j’ai subi, sous leur joug, le plus doux des outrages !
– Ouarf ! Ben mon salaud… C’est pas à moi que ça arriverait ça !
– Comme disait Pagnol à qui quelqu’un reprochait quelques exagérations : « C’est peut-être pas vrai, mais ça pourrait l’être, alors c’est pareil. » Mais, Bert, si être violé est un fantasme pour les hommes, c’est une violence dévastatrice pour les femmes.
– Bien dit Victor. Les femmes, on les adore, on les aime, mais avant tout on les respecte. Qu’est-ce t’en pense Bert ?
– D’accord avec toi Loulle. Tè, moi je dirais même que les femmes, je les mets sur un piédestal. Mais tout de même assez haut pour qu’elle ne puisse pas en descendre trop facilement pour nous emmerder…
Victor Ayoli
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Championnats du monde de la flemme !
- Oh ! Victor, t'es là ? Je croyais que t'étais allé aux Championnats.
- Quels championnats ? Ceux de cyclisme ? Ceux du jeter de verre vide en Rhône plutôt ?
- Mais non, bougre de nifle. Je te parle d'un championnat à ta portée : le Championnat du monde de la flemme ! Il a eu lieu au Monténégro. Une seule épreuve : s'allonger sur un matelas et...ne rien faire du tout ! Le recordman a ainsi glandé avec pugnacité pendant 37 heures !
- Pas mal. Ça demande de l'entrainement : des séances de canapé journalière, du hamac l'été, de la chaise longue. Moi, je fais de l'entrainement fractionné : ce qu'on appelle chez nous, dans cette Provence prodigue en champions de la flemme, le pénéqué. Ce sont des mini sieste de 15 à 20 minutes. Rien que le mot, en étirant la bouche sur une voyelle modulée, appelle le bâillement jouissif. Pas le vulgaire bâillement de fatigue, mais l’opulente ouverture de bouche travaillée qui gonfle la gorge et baigne délicatement les yeux de petites larmes de bonheur.
Regardez-le, l’athlète du hamac, le champion du carré d’herbe sous le ciel bleu, le gymnaste du fauteuil, bref, l’adepte du Pénéqué ! Après un dernier ballon de rouge ou de rosé bien frais venant parfaire la volupté gastronomique d’un grand aïoli ou autre repas fortement aillé, son abdominal tressaute délicatement tandis qu’il s’étire voluptueusement puis que ses muscles se relâchent comme ceux des félins. Il émet, avec une discrétion de bon aloi, un dégazage buccal qui le fait baigner dans une aura odorante assurant sa tranquillité en éloignant les mouches et les fâcheux. Sa nuque s’alourdit et bascule vers l’arrière. Sa mâchoire pointe vers le bas, arrondissant sa bouche en cul de poule. Ses paupières s’alourdissent et se ferment, ses moustaches tressaillent et ses narines palpent l’air par petits coups savants. Comme l’avare touche son portefeuille dans sa veste pour se rassurer, sa main palpe précautionneusement, à l’entresol, ce qu’il a de plus précieux. Dès lors, apaisé, il est sur la rampe de lancement, prêt pour le grand départ vers le Pénéqué !
Le signal de l’embarquement pour Cythère est donné par quelques petits grognements de plaisir, préludes à un ronflement soyeux, raffiné comme les basses à l’orgue d’une fugue de Bach. Ça y est, l’esprit du bienheureux a pris son essor. Il est seul même au milieu d’une foule, même au milieu du bruit et de l’agitation. Il vole. Non, pas comme un banquier, comme un oiseau ! Il fend l’azur de son corps gracieux, taquine la mouette mutine, rivalise de prouesses avec l’hirondelle, règne comme l’aigle sur le pauvre monde des rampants.
Heu-reux ! Il est heu-reux !
- Fatche ! On sent l'entrainement là, Victor. Mais enfin, les fainéants sont méprisés par la société. Ne dit-on pas que « l'oisiveté est mère de tous les vices » ?
- Il est temps de se débarrasser de cette culture influencée par le religieux et le politique, cette horreur imposée par les parasites des clergés et des puissants : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » et Microlax 1er qui proclamait « travailler plus pour gagner plus ». L’importance du travail est défendue par les politiques de tous bords et rassemble sous la même bannière la CGT, le Medef, l’Église catholique et autres névroses collectives appelées religions.
La paresse est pourtant le véritable but de l’humanité. Le fric n’est rien d’autre qu’un petit morceau de paresse. Plus on en a, plus on peut goûter en abondance aux délices de la paresse. Le capitalisme organise le travail de telle sorte que l’accès à la paresse n’est pas le même pour tous. Seul peut y goûter celui qui détient du capital. Ainsi, la classe des capitalistes s’est-elle libérée de ce travail dont toute l’humanité doit maintenant se libérer !
- Merde, c'est vrai ça. T'as du fric, tu glandes à ta guise. T'en as pas, tu trimes...
- D’où la nécessité d'un revenu universel de glandage. Paul Lafargue et son Droit à la paresse réclamait déjà une sorte de revenu universel sous forme de temps libre : « Si, déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible pour forger une loi d’airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers… ».
Même Aristote était un fier adepte de la sainte et saine fainéantise. Il y a 2300 ans il proclamait: « Si chaque outil pouvait exécuter de lui-même sa fonction propre, si par exemple les navettes des tisserands tissaient d’elles-mêmes, le chef d’atelier n’aurait plus besoin d’aides, ni le maître d’esclaves. » Aujourd’hui, avec les robots, le rêve s’est réalisé, mais en cauchemar pour tous, parce que les relations sociales n’ont pas évolué aussi vite que la technique. Et ce processus est irréversible : jamais plus des travailleurs ne viendront remplacer les robots et automates. De plus, là où du travail « humain » est encore indispensable, on le délocalise vers les pays aux bas salaires, ou on importe des immigrés sous-payés pour le faire, dans une spirale descendante que seul le rétablissement de l’esclavage pourrait arrêter.
- C'est vrai que les emplois deviennent une denrée rare. Et que la concurrence de clandestins et de « travaileurs détachés » payés à coups de lance-pierres nous rapprochent de l'esclavage.
- Le plus intelligent des esclavagiste, c'est celui qui a commencé à payer – peu – les esclaves… C'est le modèle des Rosbifs avec leurs contrats de travail « à la journée », des Allemands avec leurs emplois à 2 euros de l'heure. Chez nous, on n'en est pas encore là mais c'est dans le programme de tous les prétendants de droite à la « magistrature suprême » comme ils disent.
Tout le monde sait cela, mais personne ne peut le dire. Officiellement, c’est toujours « la lutte contre le chômage », en fait contre les chômeurs. On trafique les statistiques, on « occupe » les chômeurs au sens militaire du mot, on multiplie les contrôles tracassiers. Et comme malgré tout, de telles mesures ne peuvent suffire, on rajoute une louche de morale, en affirmant que les chômeurs seraient responsables de leur sort, en exigeant des preuves de « recherche active d’un emploi ». Le tout pour forcer la réalité à rentrer dans le moule de la propagande.
- Bon. Faut méditer tout ça Victor. Je vais installer des chaises longues dans le bistro, avec un slogan : « Au rendez-vous des fainéants » !
- En attendant, mets ma tournée !
Victor Ayoli
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